Mon parent prend du tramadol contre la douleur, c’est dangereux ?

Mise à jour le 20 décembre 2022 Mon parent prend du tramadol contre la douleur, c’est dangereux ?
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Quand la douleur est forte, quel est l’antidouleur le plus efficace ? C’est souvent un opiacé, comme le tramadol. Beaucoup de personnes âgées en prennent après une opération ou lors d’une crise douloureuse, mais ces médicaments ont de nombreux inconvénients. Les explications et les précieux conseils de Laurence Chaix, gériatre, et de Virginie Piano, médecin spécialiste de la douleur, pour évoquer ce sujet sensible avec votre proche.

À lire dans cet article les médicaments contre la douleur

Quels sont les effets secondaires des opiacés ?

« Les opiacés sont des médicaments efficaces et, comme tout médicament qui ont un réel intérêt, ils ont des effets secondaires », explique Laurence Chaix. Ils ont un effet sur le cerveau et ils peuvent entraîner des états d’anxiété, de confusion et de dépendance. S’ajoutent aux effets secondaires des opiacés, des risques de somnolence, nausée, troubles du transit intestinal, problèmes respiratoires, notamment apnée du sommeil. « Leur prescription doit respecter la balance bénéfices (sur la douleur) et risques (effets secondaires) et être de courte durée », complète Laurence Chaix.

Plus de conséquences chez les personnes âgées qui prennent des opiacés

Un effet bien connu des opiacés est de nous rendre moins actifs, cela entraîne une perte de muscles. « Chez la personne âgée, cette perte est très rapide avec des conséquences importantes sur l’équilibre, précise Laurence Chaix. C’est encore plus vrai lorsque des troubles visuels et de l’équilibre sont déjà présents, car les opiacés les aggravent. Les risques de chute augmentent surtout dans la semaine qui suit la prise des médicaments ».

Au-delà de se faire mal ou de se casser le col du fémur, on sait aussi que les conséquences d’une chute sont beaucoup plus lourdes pour une personne âgée. « Le fait d’être tombé déclenche une crainte qui entrave les déplacements », indique Virginie Piano.

Le tramadol est plus dangereux que la morphine

Le tramadol fait partie des opiacés faibles, mais le danger est le même qu’avec les opiacés forts comme la morphine. « Il y a même davantage d‘accidents avec le tramadol. Comme c’est un opioïde faible, il fait moins peur et peut être parfois prescrit avec moins de précaution, explique Virginie Piano. Forts ou faibles, les opiacés sont des traitements de courte durée dont il faut évaluer finement les bénéfices et les risques. » Laurence Chaix ajoute qu’il faut toujours commencer par un antalgique comme le paracétamol avant de passer au tramadol. Et quand il est prescrit, pour une courte durée, il faut toujours débuter par la plus petite dose possible.

Évaluation de la douleur : vous pouvez aider votre proche

Pour que votre proche prenne le médicament le plus adapté, vous pouvez aider au bon diagnostic. Virginie Piano conseille aux aidants d’accompagner leur parent lorsqu’il consulte pour la douleur. « J’ai eu très mal », c’est souvent la seule chose que nous sommes capables de dire. Encore plus difficile lorsque la mémoire, ou la compréhension, est moins fiable. Avant le rendez-vous, interrogez votre proche sur sa douleur, son intensité et le moment de la journée où elle se déclenche, et prenez des notes. C’est important parce que le tramadol, par exemple, ne soigne pas toutes les douleurs. Il n’a pas d’effet dans le traitement de la fibromyalgie. Il ne sert à rien contre le mal de tête et il aggrave les problèmes de transit. »

Comment préparer la consultation pour une douleur ?

Avant une consultation pour une forte douleur, aidez votre proche à rassembler toutes ses ordonnances. Une éventuelle prescription d’opiacés doit tenir compte de tous les autres traitements déjà en place. Virginie Piano donne aussi des recommandations pour ce rendez-vous.

  • Dès que l’opiacé est prescrit, il faut prendre tout de suite un second rendez-vous, au mieux 15 jours plus tard, au pire avant un mois. La personne peut dire par exemple : j’aimerais qu’on se revoie dans 15 jours, pour voir si je supporte ou non le traitement.
  • Lors de cette première prescription, il est normal de demander quelle est la date de l’arrêt du traitement.
  • C’est aussi le moment d’interroger le médecin sur les effets indésirables et sur les moyens de s’en prémunir. Il peut, par exemple, prescrire un médicament contre la constipation provoquée par le tramadol.

Une bonne idée : une infirmière pour accompagner le traitement

Vous constatez que votre proche a du mal à suivre le traitement : il se trompe dans le nombre de gouttes parce que sa vue baisse, il oublie de prendre le médicament ou, au contraire, il ne se rappelle plus l’avoir pris et en prend trop. Laurence Chaix conseille d’envisager avec le médecin la prescription d’un passage infirmier. « Ce n’est pas facile de convaincre son proche, remarque-t-elle. Cependant, vous pouvez lui expliquer que pour protéger son autonomie, il faut parfois la partager un temps avec d’autres ».

Nos expertes :

Laurence Chaix est praticien hospitalier gériatre et médecin coordonnateur du DAC (dispositif d'aide à la coordination) du Var-Est.

Virginie Piano est cheffe de service au centre hospitalier de la Dracénie, présidente du Comité de lutte contre la douleur CLUD et co-auteur de la boîte à outils de la douleur à recommander à tous ceux qui accompagnent votre parent.

À lire


La boîte à outils de la douleur, évaluation et traitement, Christine Berlemont, psychologue, Séverine Conradi, infirmière et Virginie Piano, médecin algologue, éditions Dunod, octobre 2022.


Une brochure canadienne en ligne fait le point sur comment être vigilant à l’usage des opioïdes quand on est âgé et les précautions à prendre.