Mort du conjoint : comment aider la personne âgée à faire son deuil ?

Mise à jour le 4 octobre 2022 Mort du conjoint : comment aider la personne âgée à faire son deuil ?
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Votre parent âgé vient de perdre son conjoint. Il s’isole de plus en plus et semble submergé par le chagrin. En tant qu’aidant familial, comment l’aider à surmonter cette épreuve souvent si difficile de la mort du conjoint ? Comment accompagner la personne âgée en deuil ? On fait le point avec Marie-Frédérique Bacqué, psychologue et psychanalyste, une des grandes spécialistes françaises du sujet.

À lire dans cet article sur le deuil de la personne âgée après la mort de son conjoint

La mort du conjoint : un stress majeur pour la personne âgée

Votre parent âgé ou proche en perte d’autonomie vient de perdre son conjoint. « Le deuil du conjoint est un stress majeur pour la personne âgée, l’écroulement de toute une vie. Elle ne peut pas imaginer qu’elle va pouvoir reprendre une vie après le deuil », explique Marie-Frédérique Bacqué, psychologue, psychanalyste, professeure de psychopathologie clinique à l’université de Strasbourg et directrice du Centre international des études sur la mort. Un bouleversement notamment vrai pour les personnes du 4e âge. Dans cette génération, le deuil concerne essentiellement les femmes avec trois fois plus de veuves que de veufs. « Or, les femmes de cette tranche d’âge n’ont pas forcément travaillé et ont donc souvent des pensions de retraite faibles, elles ne sont pas habituées à faire attention à leur santé, à faire du sport, elles vont connaître des difficultés plus importantes à traverser le deuil qu’une femme de 60 ans », poursuit-elle.

Une personne âgée en deuil plus isolée et fatiguée

Lors de la mort du conjoint, la personne âgée va devoir faire le deuil non seulement de l’être aimé mais aussi celui du couple qu’ils formaient ensemble. « Un couple est plus fort qu’une personne seule, il offre un front uni face aux enfants, aux petits-enfants, à la société, la personne seule se sent fragilisée, a peur de ne pas s’adapter, et va souvent, une fois veuf ou veuve, s’isoler encore plus », indique Marie-Frédérique Bacqué. Parallèlement à cet isolement de la personne âgée, la mort du conjoint va avoir des conséquences physiques immédiates sur la santé de la personne âgée. Ainsi, il est normal que votre parent âgé rencontre une grande fatigue tant physique que psychologique pendant son deuil et refuse dans un premier temps vos sollicitations ou les sorties que vous lui proposez. Il faut se tenir autant que possible à l’écoute de ses besoins.

L’importance du médecin traitant dans la période de deuil

Autre conséquence possible sur la santé de la personne âgée : le risque cardio-vasculaire. « La mortalité par maladie cardio-vasculaire augmente de 100 % chez l’homme pendant la première année qui suit le décès et de 60 % chez la femme », précise Marie-Frédérique Bacqué. Un suivi régulier est donc très important, votre premier interlocuteur devant être le médecin traitant. Celui-ci pourra également être un relais au moindre doute quant à l’état psychologique de votre parent. « Il est important de surveiller que l’état de chagrin absolument normal pendant au moins une année ne se transforme pas en dépression pathologique », souligne la spécialiste, co-auteure avec Michel Hanus du Que sais-je sur Le deuil paru aux éditions PUF.

Accompagner l’organisation des obsèques

Votre parent âgé peut se sentir démuni face à toutes les formalités administratives à accomplir suite au décès de son conjoint. En tant qu’aidant familial, vous pouvez l’aider dans cette étape par exemple en l’assistant pour remplir les deux déclarations de revenus l’année N+1 du décès ou dans l’organisation des obsèques. « En fonction de leur religion, de leurs valeurs, les personnes âgées doivent pouvoir inviter leur famille mais aussi reprendre contact lors de cette cérémonie avec des personnes perdues de vue, c’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres femmes, d’autres veuves et de recréer des amitiés », rappelle Marie-Frédérique Bacqué. Ces rites sociaux participent au travail de deuil en faisant vivre autrement le conjoint décédé et en permettant à la personne âgée en deuil de créer du lien.

Une aide à domicile pour faciliter le quotidien

Votre parent âgé peut aussi exprimer le souhait de partir vivre en maison de retraite ou en EHPAD (établissement d’hébergement pour personne âgée dépendante) car il se sent fragilisé et incapable de gérer le quotidien seul. En tant qu’aidant familial, il est important d’entendre ce souhait mais de ne pas le précipiter. Essayez d’abord de comprendre ce qui se cache derrière ce besoin, mais faites aussi en sorte de le soutenir dans les tâches quotidiennes en mettant en place le passage d’une aide à domicile.

Parler du défunt et exprimer ses émotions

Exprimer ses émotions peut être compliqué pour votre proche en deuil qui veut vous préserver, tandis qu’à l’inverse, vous allez avoir tendance à le surprotéger. Une situation qui peut compliquer le dialogue en période de deuil. « Il ne faut pas hésiter à partager les souvenirs en commun qu’on a du défunt même si le parent se met à pleurer », conseille Marie-Frédérique Bacqué. C’est en se sentant autorisé à exprimer ses émotions que votre parent âgé ou proche en perte d’autonomie va pouvoir traverser les différentes étapes du deuil. « Les personnes âgées ont tendance à craindre d’embêter leurs proches, il faut malgré tout continuer à proposer des activités, des sorties, des déambulations car c’est souvent en marchant qu’on peut parler », conclut Marie-Frédérique Bacqué. Si vous n’arrivez pas à communiquer avec votre proche, n’hésitez pas à passer le relais. De nombreuses associations existent en France et proposent des accompagnements individuels ou des groupes de parole autour du deuil : parmi eux la fédération Jalmalv, la Favec (Face Au Veuvage Ensemble Continuons), Dialogue et Solidarité et l’association Empreintes.

« L’aidant familial n’est parfois pas la personne la plus à même d’aider son parent à faire son deuil. »


Trois questions à Blandine Bleker, accompagnante bénévole du deuil à l’association Empreintes (écoutante en suivi individuel et en groupes de parole).


Pourquoi en tant qu’aidant familial, n’arrive-t-on pas toujours à accompagner son parent lors d’un travail de deuil ?

« L’aidant familial n’est parfois pas la personne la plus à même d’aider son parent à faire son deuil car il s’agit souvent de l’enfant de la personne décédée donc il est en deuil aussi. Mettre son propre deuil à distance peut être difficile. Le deuil, c’est très individuel, intime, car lié au lien avec la personne décédée, donc il peut y avoir des incompréhensions. Pour être en connexion avec la souffrance de l’autre, il faut pouvoir avoir une distance avec sa propre souffrance. ».


Quelles sont les limites de l’aide qu’on peut apporter à son parent âgé en tant qu’aidant ?

« La personne en deuil peut par exemple exprimer son souhait de vouloir mourir aussi. Un aidant se sent démuni devant ce propos-là. On est très impuissant en tant qu’aidant, il faut faire avec car on n’est pas responsable de la vie et de la manière dont notre entourage et les personnes vont réagir face à un deuil. On peut déclencher le maximum de pistes, actionner plein de soutien, se mettre à l’écoute, pour autant on ne peut pas se mettre à la place de la personne. »


Que peuvent apporter un groupe de parole ou une écoute extérieure à la personne âgée qui est en deuil ?

« Il faut distinguer un suivi individuel d’écoute qui permet à la personne d’avoir un espace qui lui est dédié et d’exprimer tout ce qu’elle ressent, certaines émotions, que parfois elle n’ose pas exprimer, comme une énorme colère contre le défunt, contre soi, contre Dieu et on n’ose pas le dire parfois au sein de sa famille, on peut avoir honte d’être en colère. Dans une association, elle va pouvoir avoir une liberté de parole totale. Dans les groupes de parole, c’est important d’avoir cheminé un peu personnellement déjà dans son travail de deuil car, en groupe, on reçoit aussi les histoires des autres, mais ce partage est souvent évoqué comme rassurant parce que finalement on entend les autres vivre à peu près les mêmes choses, ce qui permet de se dire : je suis légitime moi aussi à pouvoir m’exprimer. Parler, c’est pouvoir traverser le deuil. »