« On peut aider son parent âgé à bien vieillir en connaissant les étapes du vieillissement »

Mise à jour le 19 juillet 2022 On peut aider son parent âgé à bien vieillir en connaissant les étapes du vieillissement
Imprimer l'article Envoyer par email

Quelles sont les étapes du vieillissement ? Quels sont les besoins avec l’avancée en âge ? Comment les aidants peuvent-ils accompagner leurs proches âgés ? Les conseils d’Olivier Guérin, Professeur de gériatre et vice-président de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), pour prendre soin d’un parent âgé, encourager l’autonomie et limiter les risques de dépendance.
Olivier Guérin est chef du pôle de gériatrie du CHU de Nice, vice-président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et membre du Conseil scientifique Covid-19.

Quelles sont les étapes du vieillissement ?

Il y a deux grandes étapes à la vie humaine, celle du développement, dès la vie intra-utérine, et celle du vieillissement, qui commence dès l’adolescence. On vieillit donc très tôt ! L’une des étapes cruciales de la vieillesse, c’est la retraite. Un moment important de la vie qui peut être très déstabilisant. Notamment pour celles et ceux qui ne compensent pas par d’autres activités sociales ou de loisirs et ont le sentiment de ne plus être utiles à la société. Les effets du vieillissement normal se font sentir de manière très lente jusqu’à 50 ans puis s’accélèrent. À partir de 60 ans, il y a une perte plus rapide de notre réserve fonctionnelle et un risque de perte d’autonomie progressive dans les décennies suivantes. Sur ce vieillissement normal se greffe des pathologies chroniques ou des événements aigus (infections, perte d’un animal ou d’un proche) qui vous accélèrent encore un peu plus la perte d’autonomie des personnes âgées.

Que faire pour ralentir ce risque de perte d’autonomie ?

Il est primordial de connaître les étapes du vieillissement et de chercher à rester en bonne santé pour conserver son autonomie. Un point crucial qui n’est pas compris de nombreux médecins qui n’ont aucune approche préventive de la perte d’autonomie. Il existe pourtant des outils qui permettent de mesurer cette fragilité potentielle comme le programme Icope développé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un outil de prévention de la dépendance pour repérer de manière précoce les facteurs de fragilité et freiner le processus de perte d’autonomie. Une partie est aussi consacrée au soutien aux aidants. On peut encore intervenir sur la perte d’autonomie à tous les âges, modifier ses habitudes de vie pour vivre plus longtemps en bonne santé. Mais il faut commencer tôt, être vigilant dès l’âge de 50 ans sur les maladies chroniques, le stress, un éventuel mal-être psychique ou psychologique, son alimentation, son activité physique, etc.

À quoi faut-il être plus vigilant quand son proche âgé prend encore de l’âge ?

À tout ce qui va permettre de maintenir le corps en bonne santé, au contrôle régulier de la tension, de l’audition, de la vision, de la nutrition. Pour ce dernier point par exemple, il n’est plus raisonnable de faire des régimes passé 75 ans car cela devient dangereux pour la santé. Un message de prévention que nous médecins en gérontologie avons du mal à faire passer et que les aidants peuvent relayer. Au-delà de l’attention portée à la santé, à la poursuite des dépistages des cancers et des maladies invalidantes, il est important de rester affectivement proche, même quand on habite loin. Prendre soin de ses aînés, c’est prendre de leurs nouvelles, avoir une proximité bienveillante avec eux. Et quand vient la perte d’autonomie, c’est d’arriver à valoriser ce qu’il est encore possible de faire plutôt que de pointer systématiquement les pertes. D’aider à faire plutôt que faire à la place, même si cela prend plus de temps. Voir la dépendance comme une fatalité est extrêmement délétère et peu accélérer encore la perte d’autonomie.

Les besoins ne sont pas les mêmes à 70 et à 85 ans. Qu’est-ce qui change en vieillissant ?

Le besoin d’information sur son état de santé, le maintien de son autonomie et se dire que rien n’est jamais perdu, même à 85 ans. Quand on fait un vrai bilan et qu’on enclenche des actions, on récupère de cette fameuse réserve. On peut refaire du muscle à 85 ans. Continuer les dépistages, le suivi de sa santé, être très acteur de son propre vieillissement. Il y a aussi un tas de facteurs qui ne dépendent pas de soi. L’utilité sociale ne dépend pas de soi sauf si vous avez déjà un entourage amical, familial déjà très fort, ce qui va permettre de bien vieillir. Aller chercher ses petits-enfants, voire ses arrières petits-enfants à l’école, c’est un super levier pour bien vieillir. Pour ceux qui n’ont pas d’entourage proche ni de petits-enfants, il faut que la société s’organise pour leur permettre de trouver une utilité sociale.

Quelle place accordons-nous justement à nos aînés dans notre société, notamment à ceux en perte d'autonomie ?

C’est tout le combat mené par la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) avec la campagne de lutte contre l’âgisme. La discrimination liée à l’âge est la plus fréquente et la moins consciente dans notre société. Un patient de 75 ans à l’hôpital n’est pas du tout traité de la même façon qu’un patient plus jeune et va passer le double de temps à attendre aux urgences, ce qui n’est pas acceptable. La place des personnes âgées dans la société est à repenser. Avec des initiatives à développer pour encourager l’autonomie et limiter l’isolement, comme le développement d’une aide à domicile de qualité, la téléassistance, le portage de repas, l’aide-ménagère, le passage du facteur et tout ce qui peut améliorer le maintien à domicile des personnes âgées. Le programme Villes amies des aînées, un formidable concept québécois adopté dans de nombreuses villes en France et dans le monde, inclut les personnes âgées dans tous les domaines de la vie publique comme l’urbanisme, la politique culturelle, la santé, les transports, etc. En 2050, 2 milliards de personnes auront plus de 60 ans, contre 600 millions en 2020. Cette explosion du nombre de personnes âgées doit nous pousser à réfléchir. La prise en compte du vieillissement de la population est un combat à mener par l’humanité sur la décennie à venir, au même titre que l’impact du digital dans nos modes de vie ou la lutte contre le réchauffement climatique.

Vous pouvez télécharger l’application mobile Icope, développée par le Gérontopôle du CHU de Toulouse, en lien avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS).