« Il y a de nombreux bénéfices à arrêter de fumer après 70 ans »

Mise à jour le 3 novembre 2022 Il y a de nombreux bénéfices à arrêter de fumer après 70 ans
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Entre 5 et 10 % des personnes âgées de plus de 65 ans continuent de fumer des cigarettes malgré les risques encourus. Et beaucoup se disent qu’à leur âge, cela ne sert plus à rien. C’est faux. Le sevrage tabagique après 70 ans permet de limiter rapidement les risques cardiovasculaires et de retrouver du souffle. Pour le professeur Daniel Thomas, cardiologue et porte-parole de la Société Francophone de Tabacologie, il n’est jamais trop tard pour arrêter le tabac. Et l’entourage a un grand rôle à jouer. Interview.

A lire dans cet article sur l’arrêt du tabac après 70 ans

Y a-t-il encore beaucoup de fumeurs parmi les personnes âgées ?

Daniel Thomas : Elles sont de moins en moins nombreuses en avançant dans l’âge. Il y a environ 5 % des personnes âgées de 75 à 85 ans qui déclarent fumer régulièrement du tabac, et un peu moins de 10 % pour la tranche des 65-75 ans, avec davantage d’hommes que de femmes. Par comparaison, en France, un tiers des 18-75 ans ont encore l’habitude de fumer. La plupart des personnes âgées fumeuses sont dépendantes au tabac depuis très longtemps. Et malgré cette habitude, elles ont survécu aux risques qui y sont liés : cancers, bronchopathies chroniques et maladies cardio-vasculaires. Alors beaucoup se disent que les dés sont jetés, qu’arrêter le tabac à leur âge ne va rien changer. Mais ce n’est pas vrai.

Quels sont les bénéfices d’un arrêt du tabac après 70 ans ?

Il y a d’abord de vrais bénéfices fonctionnels à court terme. Comme pour les autres tranches d’âge, l’ancien fumeur retrouve l’odorat, le goût, et surtout le souffle. Arrêter le tabac permet ensuite de continuer sa vie en meilleure santé en diminuant le risque d’un handicap majeur. Faire un infarctus du myocarde à 70 ans peut précipiter la personne dans une insuffisance cardiaque qui va nuire à la qualité de sa vie. Les bénéfices de l’arrêt du tabac sont très rapides sur le plan cardiovasculaire. En effet le tabac entraîne des problèmes de coagulation du sang en cause dans les accidents cardiovasculaires tels un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral. Or, au bout de 15 jours de sevrage, les plaquettes sanguines se sont renouvelées et fonctionnent de nouveau normalement concernant la coagulation, diminuant ainsi rapidement le risque de ces accidents. Enfin l’arrêt du tabac chez les personnes âgées permet de faire diminuer les états anxiodépressifs. Chez les fumeurs, la cigarette est perçue comme un moyen de lutter contre son anxiété. Alors qu’en fait elle l’entretient. Cet état dépressif disparait en quelques mois quand on arrête. Ce qui est mieux que de prendre des anti-dépresseurs ! Pour résumer, il y a des bénéfices pour le cœur, les poumons et le cerveau.

Comment aider une personne âgée à arrêter de fumer après 70 ans ?

Il faut d’abord insister sur ces bénéfices à court terme qui sont très importants. Il est surtout primordial d’établir un dialogue avec cette personne. Que l’on soit un aidant, un membre de l’entourage ou de la famille, un médecin, il est nécessaire d’être à l’écoute et de ne pas être dans l’injonction du type « il faut que tu arrêtes de fumer ». Beaucoup de personnes âgées veulent arrêter mais ne l’expriment pas et elles ont déjà vécu des échecs de sevrage par le passé. Ce dialogue bienveillant doit porter sur les plaisirs procurés par la cigarette mais aussi les désagréments. Il faut amener la personne âgée à l’idée de se faire aider par son médecin ou par un tabacologue. Arrêter de fumer n’est pas plus difficile à 75 ans qu’à 35 ans. Il faut de la motivation et surtout un accompagnement. Seuls 3 % des fumeurs qui arrêtent de manière autonome réussissent au bout d’un an, contre 50 % pour un sevrage accompagné.

Y a-t-il d’autres façons de motiver une personne âgée à arrêter le tabac après 70 ans ?

Oui, le facteur environnemental et familial peut jouer un rôle crucial. Un grand-père va par exemple arrêter de fumer pour montrer l’exemple à ses petits-enfants. La personne cesse de fumer pour protéger les autres, c’est un élément affectif très fort. Quand une personne âgée explique qu’elle regrette d’avoir fumé aussi longtemps, qu’elle aurait préféré ne pas commencer, cela a un impact très important sur les jeunes générations. Et c’est une source de motivation puissante chez la personne qui veut arrêter. Car parmi les adolescents qui commencent à fumer, une grande partie a été élevé dans un entourage fumeur.

Quelles sont les méthodes de sevrage adaptées aux personnes âgées pour arrêter de fumer après 70 ans ?

Ce sont les mêmes que pour les autres fumeurs, des méthodes validées scientifiquement. La première, c’est le sevrage par substituts nicotiniques (gommes à mâcher, patchs, pastilles) pour lutter contre le manque de nicotine qui est très fort chez les sujets qui fument depuis longtemps. Et il n’y a pas de contre-indications pour les sujets âgés, ni pour celles ayant déjà fait un accident vasculaire. Donc il ne faut pas avoir d’appréhensions vis-à-vis de ces produits. S’ils sont en vente libre en pharmacie, mieux vaut passer par un médecin car ces substituts sont alors remboursés par l’assurance maladie. Et parce qu’il est préférable d’être accompagné par un professionnel de santé pour l’adaptation optimale du dosage et gérer la durée du traitement, qui varie d’une personne à une autre. Cet accompagnement permet de minimiser les risques de rechute.

L’accompagnement et la prescription des substituts peuvent être assurés aujourd’hui par d’autres professionnels de santé comme les infirmières, les kinésithérapeutes ou les dentistes. Le personnel paramédical, souvent en contact avec des personnes âgées, a un vrai rôle à jouer. Les patients s’identifient davantage à leur infirmière qu’à leur médecin, et cela leur donne plus de confiance dans leur capacité à réussir.

Le sevrage peut aussi passer par des solutions médicamenteuses validées comme la varénicline (Champix®) ou le bupropion (Zyban®). Ces produits doivent être prescrits par un médecin et seule la varénicline est remboursée par l’assurance maladie.

Une personne âgée peut-elle vapoter pour arrêter le tabac ?

La cigarette électronique peut être utilisée quand on a déjà essayé sans succès les méthodes validées. Pour l’instant le vapotage n’en fait pas partie et la communauté scientifique ignore ses effets sur le long terme. Si la cigarette électronique est utilisée, il est essentiel de ne pas persister à fumer de cigarettes en même temps et d’en sortir à terme dès que le sevrage de tabac est bien assuré. Et vapoter ne marche pas avec tout le monde. C’est la même chose pour les méthodes alternatives comme l’hypnose ou l’acupuncture. Elles ne sont pas validées scientifiquement mais on sait que des fumeurs arrêtent avec ces méthodes et donc leur intérêt n’est pas nul, dans la mesure où elles sont utilisées en accompagnement des méthodes validées.