Diagnostic Alzheimer : comment vous comporter avec un proche atteint ?

Mise à jour le 15 septembre 2022 Diagnostic Alzheimer : comment vous comporter avec un proche atteint ?
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Votre proche vient d’être diagnostiqué atteint de la maladie d’Alzheimer ? Comment se comporter avec lui et mieux envisager l’évolution de la maladie ? Quel est votre rôle d’aidant et comment l’accompagner ? Les réponses de Benoît Selingue, neuropsychologue et auteur de l’ouvrage « Vivre au quotidien avec Alzheimer ».

À lire sur la communication avec un proche touché par la maladie d’Alzheimer

Benoît Selingue, auteur de "Vivre au quotidien avec Alzheimer", guide pour les proches » est psychologue clinicien spécialisé en neuropsychologie. Il a notamment travaillé avec le réseau régional de la mémoire Méotis, dans le service de gériatrie à l'hôpital de Juvisy-sur-Orge et avec l'association France Alzheimer 93. Il est aussi membre de l'Organisation française des psychologues spécialisés en neuropsychologie (OFPN).

Comment se comporter avec son proche au moment de l’annonce d’un diagnostic de maladie d’Alzheimer ?

La maladie d’Alzheimer a une progression lente avec des stades d’évolution différents, mais on ne devient pas malade d’Alzheimer du jour au lendemain. Les troubles de la mémoire ou des modifications dans le comportement sont déjà présents avant le diagnostic chez la personne atteinte. La veille, elle avait déjà des difficultés, la question va être de savoir, quand on en connaît l’origine, comment en parler et organiser le quotidien, notamment la vie à domicile. Y a-t-il un conjoint ou une conjointe, des enfants, des voisins ? S’il n’y a pas de mise en danger immédiate, la question d’une entrée en établissement ne se pose pas dès le départ. Si la personne a un chien ou du gaz à la maison, cela veut dire qu’il faudra être vigilant, mais pas qu’il faudra tout remettre en cause dans la manière de vivre de son proche du jour au lendemain. Comme avec toutes les maladies neurodégénératives, les décisions se prendront au fur et à mesure de l’évolution de la maladie et du comportement de la personne souffrant d’Alzheimer. Un diagnostic de la maladie va permettre d’avancer avec des réponses et d’anticiper la suite.

Pourquoi le diagnostic est important ?

Un diagnostic posé a une importance cruciale car cela permet de savoir ce dont souffre son proche, de mieux comprendre ce qui se passe et de ne plus douter. Les enfants ou les proches sont souvent présents lors de la consultation mémoire et de l’annonce d’un possible diagnostic, ce qui est une bonne chose. Le diagnostic permet de parler de la maladie avec des professionnels, mais aussi d’expliquer à l’entourage, d’en parler en famille, avec les enfants, les petits-enfants qui comprendront mieux les choses si elles sont expliquées. Il existe par exemple des livres très bien faits pour expliquer la maladie d’Alzheimer de papy ou mamie à destination des enfants (lire en fin d’article).

Le mot « Alzheimer » fait peur, comment parler de la maladie ?

Lorsque le diagnostic se confirme, le mot « Alzheimer » fait effectivement peur, avec toutes les images véhiculées sur les formes avancées. Il est important de dire et je l’explique aux familles, qu’il s’agit d’une maladie qu’il faut apprendre à connaître et que la personne va être accompagnée par une équipe médicale. Quand on parle d’Alzheimer, on associe la maladie à la démence qui a une connotation péjorative, à l’agressivité, aux hallucinations, à des troubles du comportement, des troubles du langage. Mais chaque personne âgée va évoluer différemment. On peut rappeler qu’on ne meurt pas de cette maladie, qu’elle n’est pas contagieuse et que ce n’est pas parce que son parent est atteint de la maladie d’Alzheimer qu’elle sera forcément transmise à toute sa descendance. Il y a des facteurs d’hérédité, mais ce ne sont pas les seuls.

Tout ne sera évidemment pas rose pour le malade et pour les aidants, mais savoir que tout ne sera pas terrible tout le temps est important. Alzheimer se rajoute à un vieillissement habituel et on peut être heureux malgré la maladie. Elle n’empêche pas de continuer à vivre de belles choses.

Que vaut-il mieux éviter, pour ne pas blesser son proche ou l’angoisser ?

Si mon proche aime faire des jeux, notamment ceux qui font appel à la mémoire ou des jeux avec les enfants ou petits-enfants, on fonce. Mais Alzheimer est une maladie neurodégénérative, on ne répare pas le cerveau. Il est donc inutile de forcer son proche à apprendre des listes de mots ou de lui faire remarquer systématiquement ses erreurs ou ses oublis, ce serait inutile, voire contre-productif. Il y a une grosse angoisse sur l’évolution, surtout si on regarde la longue liste de ce qui peut potentiellement arriver. Un stress qui peut être communiqué à la personne malade au moindre oubli ou la moindre parole plus haute qu’une autre. On va avoir tendance à tout associer à la maladie alors que ce n’est pas forcément en lien.

Les malades n’ont pas non plus toujours conscience de leurs troubles, c’est ce qu’on appelle l’anosognosie, qui est une cause neurologique et pas un déni. Se mettre à la place de quelqu’un qui a des troubles cognitifs importants, ce n’est pas simple. Quand vous vous agacez parce que vous expliquez quinze fois la même chose à votre ado, il est censé comprendre, s’il n’écoute pas, c’est qu’il le fait exprès. Quand vous répétez quinze fois la même chose à une personne avec une maladie d’Alzheimer et qu’elle oublie quinze fois, ce n’est pas un manque de bonne volonté. Une distinction pas toujours simple à faire quand on est épuisé et qu’on manque de soutien en tant qu’aidant. On a donc tendance à contredire, à faire des remarques, à reprendre les erreurs. Comme celle sans réelle importance de l’aide-soignante très sympa qui se fait systématiquement appeler Marie alors qu’elle se prénomme Cynthia. Elle peut le comprendre sans réagir, et au fond, cette erreur n’est pas bien grave. Le plus important est que cette aide à domicile soit un repère rassurant.

Comment conserver sa relation avec son proche malgré la maladie ?

On parle communément de « deuil blanc » pour dire que la personne n’est plus comme avant et qu’il faut apprendre à vivre avec ça. Pour autant, elle reste mon proche, mon parent. Ce qu’elle a pu être fait partie de son identité malgré la maladie. La relation va changer avec le temps et on va devoir s’adapter. Notamment en matière de communication. On va parfois devoir parler plus lentement, proposer des choix, montrer, etc. Accepter certains comportements, le fait que la personne malade ne se rappelle plus de ses proches ou qu’elle va dire des choses qu’elle avait gardé pour elle jusque-là, comme des secrets de famille. Le jour où la personne ne parle plus, on ne peut plus échanger par des mots, mais il est toujours possible de communiquer, pas des regards, des gestes, une présence. Tout cela peut-être très déstabilisant et c’est normal. Et parfois, son proche devient plus aimant, plus affectueux, plus ouvert. Je connais l’exemple d’un ancien ouvrier et d’un directeur d’entreprise qui ont passé leurs dernières années au travail à se chamailler et qui sont désormais dans le même Ehpad, très amis. Ils savaient qu’ils s’étaient connus avant, mais sans se souvenir qu’ils ne s’appréciaient pas du tout.

Une aidante m’avouait un peu honteuse qu’elle préférait le caractère de son père depuis qu’il était atteint d’Alzheimer. Ces exemples montrent que les comportements ne changent pas toujours de la mauvaise façon !

Quel est le rôle des aidants ?

Quand on parle de la maladie d’Alzheimer, on parle beaucoup de l’importance de l’entourage. L’un des slogans de l’association France Alzheimer est d’ailleurs : « Un malade, c’est toute une famille qui a besoin d’aide ». Cette maladie impacte évidemment en premier lieu la personne touchée, mais aussi tout son entourage, ses enfants, ses petits-enfants. Quand on annonce à ses voisins, à ses collègues de travail que son parent est touché par cette maladie, les réponses sont généralement du type : « Oh mince, ça alors, eh bien, bon courage ! » Je dis souvent aux aidants qu’on va leur donner plein des valises remplies de « bon courage », mais qu’en dehors de cela, elles n’auront pas forcément beaucoup d’aide, ni de compréhension de ce que cela signifie. Mais si on l’explique un peu, si on dit les choses, les comportements de son proche seront sans doute mieux compris des voisins, des petits commerçants habituels qui ne se diront plus : « Oh, elle est sans gêne celle-là ». On peut se créer un petit réseau de soutien, donner son téléphone et si un jour son parent déambule seul, les personnes prévenues pourront alerter.

Qui peut aider l’entourage ?

Des associations comme France Alzheimer ou des plateformes de répit peuvent accompagner. Savoir que l’on n’est pas seuls, qu’il existe des aides et qu’on peut en faire la demande est important. Cela peut aider à comprendre certains comportements, à partager son expérience d’aidant sur la manière de communiquer avec son proche. Mais cela ne veut pas dire qu’on est obligé d’aller dans des groupes de parole ou de se rapprocher d’une association, chacun fait bien ce qui lui convient à un moment donné. La plupart du temps, les aidants ne contactent pas les associations dès le départ. Il faut parfois du temps. En revanche, mieux vaut ne pas attendre l’épuisement pour demander du soutien quand cela devient trop difficile à porter.