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Mise à jour le 27 avril 2020 accompagnement psychologique des aidants
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Un français sur six accompagne au quotidien un proche en situation de dépendance, en raison de son âge, d’une maladie ou d’un handicap*. Docteur en psychologie et psychologue clinicienne spécialisée en gérontologie, Audrey Rieucau explique pourquoi les 11 millions de personnes concernées (dont une sur quatre consacrent au moins 20 heures par semaine en moyenne à leur(s) proche(s))* ont tout intérêt à lâcher du lest.

Veiller sur mes parents : Qu’est ce qui change dans la vie d’une personne qui passe au statut d’aidant ?

Audrey Rieucau : « Il existe deux principaux cas de figure : Le premier peut être une consultation médicale pour laquelle on demande à la personne concernée de se faire accompagner. S’ensuit généralement un diagnostic mettant en lumière une perte d’autonomie et l’annonce à l’accompagnateur qu’il va falloir, du jour au lendemain, mettre de nouvelles choses en place pour soutenir son conjoint ou parent. Cela demande beaucoup d’énergie et une disponibilité qui peut bouleverser l’agenda quotidien. Le second cas est bien plus insidieux, avec un aidant qui accorde de plus en plus de temps à son proche. Souvent, il le fait sans s’en rendre compte, ce qui représente un risque ».

VSMP : Quels sont justement les maux qui peuvent toucher les aidants ? Comment ce rôle peut avoir un impact négatif sur leur vie personnelle ?

A.R. : « Plusieurs études démontrent qu’être aidant d’un proche a des conséquences à plusieurs niveaux. Psychiquement, tout d’abord, avec des symptômes assez similaires à ceux que l’on constate pour un épuisement professionnel :

  • anxiété grandissante
  • difficulté à gérer ses propres émotions
  • troubles du sommeil (32% des cas)
  • et si l’évolution de l’état du proche qui demande une réorganisation quasi perpétuelle, les aidants familiaux peuvent eux aussi souffrir de burn out.

À cette charge mentale s’ajoute le physique. Donner une grande partie de son énergie à une autre personne, c’est, là encore sans s’en rendre compte, oublier de prendre soin de sa propre santé (ce que 31% des aidants affirment avoir tendance à faire, ndlr*). Les défenses immunitaires des aidants sont alors affectées et - c’est un fait - ils tombent malade et souffrent de douleurs chroniques plus régulièrement.

N’oublions pas la vie sociale et familiale, elle aussi très souvent bouleversée lorsque l’agenda laisse de moins en moins de temps aux proches et amis. Je prends souvent l’exemple d’une dame que j’ai suivie et dont la maman a été présente 5 ans à son domicile. Après cette période, elle s’est rendu compte que ses deux enfants, 12 et 15 ans à l’époque, étaient devenus des adultes et qu’elle avait, à regret, manqué une période importante de leur vie ».

VSMP : À quel moment faut-il tirer la sonnette d’alarme et pourquoi est-ce si nécessaire de ménager sa monture ?

A.R. : « C’est compliqué car il y a toujours une sensation qui demeure : celle de ne pas avoir le choix, d’être coincé par la responsabilité sans pouvoir passer le relais. Dans mes consultations, j’invite souvent les aidants à se donner un peu plus de place dans leur tête et dans leur vie.

  • On effectue ensemble un bilan qui pointe souvent le fait qu’ils s’oublient et doivent se repenser eux-mêmes. C’est une première étape qui peut être décisive pour envisager de se faire aider. Il faut être clair, et je le dis souvent aux aidants : on ne peut pas passer son temps à en donner… sans récupérer. Pour s’occuper des autres, il faut s’occuper de soi, sans quoi il est impossible de gérer une logistique domestique parfois hyper contraignante. Il est important de sortir de ce quotidien de temps en temps, en réanimant sa curiosité intellectuelle, par exemple.
  • L’autre clef, c’est d’éviter l’isolement pour se réapproprier des moments de partage en famille et avec ses amis ».

VSMP : Que dîtes-vous aux personnes pour leur expliquer que tout gérer eux-mêmes n’est pas la solution idoine ?

A.R. : « Qu’il faut commencer par ne pas considérer la maladie ou la perte d’autonomie de ses proches comme une sentence. On a en effet trop tendance à se battre pour récupérer ce qu’un proche a perdu ou n’est plus, alors qu’il est bien plus efficace et positif de s’attarder sur les moments qu’il reste encore à partager.

Cette prise de conscience est aussi importante pour les aidants que ceux qu’ils accompagnent, dont l’identité doit bien rester celle d’un proche et non d’un malade que l’on gère 24h/24. Par ailleurs, et c’est très important, le sentiment de devoir ne doit en aucun cas influencer le fait de s’occuper d’un proche.

Cela permet de faire sauter le verrou d’une culpabilité qui n’a pas lieu d’être car - il faut l’accepter ! - les aidants ne sont pas les personnes les plus appropriées pour effectuer certaines tâches. Des aides existent pour cela, il faut s’appuyer dessus ».

* baromètre des aidants, 2019